Comment aménager la Métropole Aix-Marseille-Provence ?

mmmSamedi 08/10/2016

L’urbaniste Christian Devillers a présenté cette semaine son étude sur l’état des lieux et l’avenir de la Métropole

Si l’urbanisation n’est pas freinée, « le territoire ne comptera plus de terre agricole d’ici à 67 ans ». (photo : « le pôle d’activités d’Aix-en-Provence ». Photo archive SERGE MERCIER)

Conurbation. Le mot sonne comme un gros mot qu’il n’est pas. Selon le Larousse en ligne, une conurbation est une « agglomération urbaine formée de plusieurs villes qui se sont rejointes au cours de leur croissance, mais qui ont conservé leur statut administratif (par exemple, Lille-Roubaix-Tourcoing) ».

Eh oui, selon Christian Devillers, il existe une urbanisation continue d’Aubagne à Istres, en passant par Marseille, où vivent 1,2 million d’habitants. L’architecte et urbaniste l’a avancé cette semaine à la Fondation Vasarely, à Aix, lors de la présentation de son étude réalisée en 2015 dans le cadre de la consultation urbaine et territoriale du projet métropolitain Aix-Marseille-Provence (lire ci-contre). Il était invité par l’association Devenir et le Syndicat des architectes des Bouches-du-Rhône. Cette conurbation en surprendra plus d’un et en ravira d’autres étant donné qu’Aix en est exclue d’autorité, Christian Devillers estimant qu’il n’existe pas de continuité urbaine entre Marseille et la cité thermale.

Ce postulat permet surtout d’affiner le sujet d’étude pour, ensuite, mieux définir les biais permettant à la toute nouvelle Métropole de prendre sa place dans la dynamique « monde ». Car, selon Christian Devillers, elle peut et doit s’imposer à l’échelle de la planète… À condition de se défaire de quelques handicaps, que l’architecte évalue au nombre de trois : « Un étalement urbain qui détruit les ressources, la congestion des voies de circulation et, enfin, le port de Marseille-Fos où l’on n’innove et n’investit pas suffisamment. »

Et le spécialiste de débuter sa présentation par les aspects ruraux. Dans son rapport est affirmé que « la Métropole compte aujourd’hui 60 500 hectares de terres agricoles. Chaque année, 900 hectares en sont consommés. À ce rythme, le territoire ne comptera plus de terre agricole d’ici à 67 ans. » Il en conclut que le développement futur devra se limiter aux zones urbanisées actuelles, tout en sanctuarisant les terres agricoles et forestières – ce qui n’empêcherait nullement d’exploiter durablement la forêt. Dans le volet « Métropole des mobilités », Christian Devillers et son équipe ont défini les flux domicile-travail et ont étudié l’accessibilité générale de la zone.

Leur conclusion est « d’aménager des lieux de centralité dispersés et de développer la mobilité via des réseaux inter et intra-urbains, notamment à travers le réseau ferroviaire : les trains, mais aussi des trams-trains, des métros inter-villes et des bus à haut niveau de service. » L’idée est de mettre en place « un ‘Métropolitain’ toutes les 10 minutes d’Aubagne à Istres et Fos, ce qui permettrait de desservir plus de 50 % des habitants » de la conurbation.

Quant au moteur économique de la Métropole, il est essentiellement constitué du port. Et Christian Devillers cite en exemple les villes d’Anvers (Belgique), de Hambourg (Allemagne) et Rotterdam (Pays-Bas), pourvoyeuses d’emplois – qualifiés ou pas. « À Aix, par exemple, 4 000 emplois sont liés à l’activité portuaire », affirme-t-il. Mais « le drame de la Métropole est qu’il manque un milliard d’euros d’investissement par an. D’où un manque d’attractivité pour les jeunes actifs et les entreprises ». Une manne qu’il faudra bien dégoter…

L’urbaniste imagine enfin que les territoires émergents sont les quartiers nord de Marseille et l’étang de Berre, étant donné leur situation géographique dans la conurbation. Berre « est l’un des sites les plus importants, il est assaini aujourd’hui et l’on pourrait y développer des activités nautiques et imaginer un lieu festif, une sorte d’Ibiza. Quant aux quartiers nord, il faut passer de la notion de ghetto à celle de quartier totémique », soit un quartier de référence pour certaines communautés.

Et l’urbaniste de conclure non sans malice : « Marseille est une ville monde, comme Londres et Rotterdam. Villes dont le maire est musulman… »

François Rasteau

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